Le plan vélo : des chiffres. Le plan voiture ? Des plus gros chiffres.

Un plan vélo anecdotique pour des transports décarbonés
D’après un rapport publié par The Shift Project, la mise en place d’un système vélo ambitieux est le  moyen le plus efficace pour la transition énergétique de la mobilité, et ce, dans les zones de moyenne densité, qui représentent 43 % de la population et 17 % des émissions liées en transport. Ce système vélo, déjà en place dans les pays européens leader en la matière, nécessite des infrastructures et des services qui – pour l’instant –  ont plutôt à pâlir face à ceux disponibles pour l’automobile. On pense évidemment à des pistes cyclables et des véloroutes, mais il s’agit également de parkings de grande ampleur, ou encore d’un réseau dense de lieux de réparation sous forme d’entreprises privées et d’ateliers d’auto-réparation. Enfin, le rapport préconise la création et le développement d’organismes spécialisés à une échelle géographique adaptée,  pour piloter une politique volontariste et des investissements conséquents… mais très rentables !
Peut- on en attendre des résultats environnementaux ?
D’après les projections, sur la période 2015-2025, on devrait assister à une stagnation des émissions de CO2 dans le secteur de la mobilité (tous modes, sachant que le secteur routier représente 93 %), alors que la France s’est fixée pour objectif une réduction de 29 % d’émissions dans ce secteur d’ici 2028. Sans mesure forte pour réduire les émissions de GES dans le secteur du transport, il sera impossible d’atteindre cet objectif. Pourtant, le  Ministère de la Transition écologique et solidaire promeut (cf. site internet du ministère) diverses mesures dont le bonus-malus écologique avec :
– une prime de 6000€ pour l’achat d’un véhicule électrique, éventuellement à prolongateur d’autonomie,
– la Prime à la conversion et son sloggan « Roulons plus propre – Le plan climat en action »
– un « bonus vélo » applicable aux seules e-mobylettes à hauteur de 200€ au détriment de ces vieux biclous pourtant idéalement recyclables.
Nous allons voir que ces trois mesures ne sont pas soutenues équitablement.
Le plan voiture en quelques gros chiffres
Sur un plan économique, ces primes à la conversion d’un montant de 1000€ à 3000€ ont concerné 250 000 véhicules en 2017 : l’État en voudrait plus. Et mobilise donc un budget de 250M€ par an pour le financement de véhicules électriques dits « non-polluants » ou de voitures consommant 1/3 d’essence en moins, et peut-être aussi pour redynamiser l’industrie automobile en berne. Accessoirement ce sont plus de 300 000 tonnes de déchets parfois très polluants qui finissent par la même en décharge, encore que les anciennes voitures soient bien plus facilement recyclables que leurs cadettes. On devrait donc plutôt parler de prime à l’obsolescence programmée dans l’industrie automobile.
Sur le plan écologique, la consommation d’énergie primaire sur l’ensemble du cycle de vie d’un véhicule thermique et d’un véhicule électrique est comparable. La voiture électrique permet de diminuer les émissions de CO2 si le mix énergétique est fortement décarboné. En revanche l’extraction et le recyclage des matériaux rares utilisés dans les batteries génèrent de graves problèmes environnementaux. De plus, la production d’une voiture électrique consomme près de deux fois plus d’énergie que celle d’une voiture thermique, ce qui donne une idée de l’impact environnemental du renouvellement prévu de 3 millions de véhicules jugés vétustes. Le plan voiture devrait donc durer a minima 10 ans et coûter plus de 3 milliards d’euros, pour un impact sur le climat et l’environnement quasi-nul.
Du côté de l’infrastructure, le chantier du Grand Contournement Ouest de Strasbourg, supposé (p.46, SHIFT; p 43. ADEME) régler les problèmes de saturation de l’agglomération, a été lancé en 2018 pour 400M€. En même temps, en 2017, la filiale commune créée entre la SNCF et la CTS afin de porter le projet de tram-train « RER strasbourgeois » a été dissoute. Ce projet devait contribuer à lutter contre la saturation des voies d’accès à l’agglomération strasbourgeoise aux heures de pointe. La raison évoquée pour l’annulation de ce projet constituant un maillon du système vélo est le coût trop important du tunnel sous la gare de Strasbourg-Ville 94M€.
Le plan vélo en moins gros chiffres
Le gouvernement affiche fièrement une ambitieuse volonté de tripler la part modale du vélo d’ici 2024. Les Pays-Bas ont eux d’ores et déjà le meilleur système vélo d’Europe, avec pour conséquence 30 % de part modale pour le vélo. Pourtant la Haye qui est dans la moyenne des villes hollandaises, investit 12,62€/an/habitant. Pour rattraper le retard du système vélo français (3 % de part modale), on peut supposer qu’il faudrait investir au moins cette somme, soit un minimum de 830M€ annuels. Or le plan vélo prévoit 350M€ sur 7 ans pour les infrastructures, soit 50M€ annuels ou… 0,80€/an/habitant. Ce qui représente à peine 6 % du budget jugé nécessaire par les pays volontaristes. En Allemagne, le ministère des transports estime de 8 à 18€/an/habitant le financement nécessaire pour le développement du vélo dans les zones urbaines classées « débutantes », où la part modales reste sous les 10 %.
A l’aune des investissements réalisés, il est clair que le gouvernement opte plutôt pour une stratégie « tout voiture électrique » plutôt que sur une Vélorution de la mobilité de demain…
G. Hentz
 
SOURCES :
https://theshiftproject.org/mobilite-decarbonee/
https://www.20minutes.fr/economie/auto/2340631-20180921-budget-prime-conversion-depasse-objectifs
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tram-train_Strasbourg_-_Bruche_-_Pi%C3%A9mont_des_Vosges
https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avisademe-vehicule-electrique.pdf p.3
https://www.amsterdamair.fr/blog/actualite/le-velo-aux-pays-bas-un-modele-pour-tous/
https://www.ziv-zweirad.de/fileadmin/redakteure/Downloads/PDFs/radverkehr-in-zahlen.pdf p.22